Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 18 janvier 2022, n° 19/15580 | Doctrine (2024)

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 8

ARRÊT DU 18JANVIER2022

(n°2021/ 4 , 22pages)


Numéro d’inscription au répertoire général: N° RG 19/15580 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAPRR


Décision déférée à la Cour: Jugement du 31Mai2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n°2018006773

APPELANTES

SA C L O, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux

[…]

[…]

[…]


Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro: 312 212 301

Société HDI GLOBAL SE, société de droit étranger, Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 4789 13882, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux prise en sa succursale française dont le siège est […], en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, agissant en qualité d’assureur de la société C L O


Siège social:

[…]

[…]

[…]


Toutes deux représentées par MeFrédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque: P0480LAWINS AVOCATS

assistées de MePatrick MENEGHETTI, avocat plaidant, avocat au barreau de PARIS, SELARL MENEGHETTI AVOCATS, toque W 14

INTIMÉES

SA AXA CORPORATES SOLUTIONS ASSURANCES, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège[…]

[…]


Immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro: 399 227 354


Représentée par MeFrédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque: D1998

assistée de MeOlivier BARATELLI, Cabinet LOMBARD BARATELLI & ASSOCIES, substitué par MeCoralie LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque E 183

SAS Z , prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés e cette qualité au dit siège

[…]

[…]


Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro: 502 466 931


Représentée par MeFrédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque: D1998

assistée de MeOlivier BARATELLI, Cabinet LOMBARD BARATELLI & ASSOCIES, substitué par MeCoralie LARTIGUE, avocat au barreau de PARIS, toque E 183

COMPOSITION DE LA COUR:


L’affaire a été débattue le 19Octobre2021, en audience publique, devant la Cour composée de:

MmeBéatrice CHAMPEAU-C, Présidente de chambre

M.Christian BYK, Conseiller

M.Julien X, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par M.X dans les conditions prévues par l’article 804du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats: Madame Laure POUPET

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ARRÊT: Contradictoire


- par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450du code de procédure civile.


- signé par Béatrice CHAMPEAU-C, Présidente de Chambre et par Laure POUPET, greffière présente lors de la mise à disposition.

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EXPOSÉ DU LITIGE:
La société Z, qui fait partie du groupe BOLLORE, a notamment pour activité en sa qualité de constructeur, la conception, fabrication et distribution de véhicules électriques loués pour l’exploitation du service d’autopartage concédé à la société AUTOLIB’ par délégation de service public confiée par le SYNDICAT MIXTE AUTOLIB’ METROPOLE.


La société Z a conclu avec la société C L O un contrat cadre de prestations de services ayant pour objet d’exécuter des prestations comprenant notamment le remorquage, la maintenance et la réparation de ses véhicules, ainsi que le stockage et la mise en quarantaine des véhicules accidentés réduits à l’état d’épaves et des véhicules incendiés, et le démontage/remontage des batteries de traction (au Lithium Métal Polymère, ci-après LMP).


Un incendie s’étant déclenché le 17juin2016dans le bâtiment dans lequel étaient entreposés les véhicules propriété de la société Z, la société C L O a déclaré le sinistre à son assureur la société HDI GLOBAL SE (ci-après HDI) au titre des garanties 'tous risques sauf’ contenues dans les contrats dommages matériels directs et pertes d’exploitation consécutives souscrits tant pour son compte que pour celui de ses filiales par C SAS, concernant les biens propriétés ou placés sous la garde de la société C L O.


La société HDI a désigné M.E Y du cabinet F G, aux fins de décrire les dommages et de donner un premier avis sur les causes de l’incendie.

M.Y a convoqué les parties à une première réunion technique qui s’est tenue sur site le 27juin2016.


Selon M.H I, expert du cabinet D désigné par la compagnie AXA CS, assureur de la société Z, le sinistre aurait plusieurs causes possibles:


- foyer au droit du camion de dépannage ;


- les installations électriques passant au-dessus du mur contre lequel étaient appuyées les batteries ;


- le stock de batteries.


Au contraire, selon M.Y, seule l’hypothèse d’un incendie ayant démarré dans une des deux batteries prélevées dans les véhicules qui avaient été incendiés lors de manifestations parisiennes, était possible compte tenu des circonstances, des témoignages et des impacts thermiques relevés sur site.


Compte tenu des appréciations divergentes recueillies dans le cadre des expertises amiables, la société C L O et son assureur HDI ont sollicité par acte d’huissier du 25juillet2016, la désignation en référé, devant le tribunal de commerce de Paris, d’un expert judiciaire spécialisé en matière d’incendie/électricité.

M.J K a été désigné en qualité d’expert judiciaire par ordonnance du 10août2016, avec notamment la mission de déterminer l’origine et la cause du sinistre, ainsi que de donner au juge les éléments permettant de déterminer les imputabilités et les responsabilités dans la survenance du sinistre.


Le 14décembre2016, la société Z et son assureur AXA, ont demandé au juge du contrôle des mesures d’instruction, une extension de la mission de l’expert judiciaire aux préjudices qui leur ont été causés dans l’incendie de l’entrepôt du garage de la société C L O.


Par ordonnance du 6février2017, le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction a fait droit à cette demande et a complété la mission confiée à l’expert judiciaire, qui a rendu son rapport le 22septembre2017.


C’est dans ce contexte que les sociétés C L O et HDI ont, par actes des 23et 24janvier2018, assigné devant le tribunal de commerce de Paris les sociétés Z et AXA. Elles ont notamment demandé dans leurs dernières conclusions la condamnation de ces deux sociétés à payer, au titre des préjudices résultant pour elles de cet incendie, à la société HDI la somme de 1.153.853euros, et à la société C L O la somme de 158.296euros, sommes augmentées des intérêts de droit à compter du jugement.


A titre reconventionnel, les sociétés Z et AXA ont notamment sollicité l’indemnisation des préjudices résultant selon elles du manquement de la société C L O à ses obligations contractuelles à hauteur de la somme de 63.686,96euros avec intérêts de droit à compter du jugement.

Par décision contradictoire du 31mai2019, le tribunal de commerce de PARIS a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire:


- condamné la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE solidairement à payer à la SA C L O et la société de droit étranger HDI GLOBAL SE la somme de 339 466euros ;


- condamné la SA C L O et la SOCIETE de droit étranger HDI GLOBAL SE solidairement à payer à la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 44 581euros ;


- ordonné la compensation de ces sommes, la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE étant condamnées sous la même solidarité à payer à la SA C L O et la société de droit étranger HDI GLOBAL SE la somme de 294 885euros ;


- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;


- condamné la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE in solidum aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 122,83euros dont 20,26euros de TVA.


Par déclaration du 24juin2019, enregistrée au greffe le 5septembre2019, les sociétés C L O et HDI GLOBAL SE ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs dernières écritures (n°2) transmises par voie électronique le 27février2020 , les sociétés C L O et HDI GLOBAL SE demandent à la cour au visa des articles 6, 9, 31, 699et 700et 954du code de procédure civile, 1315ancien devenu 1353, 1134, 1147et 1151, 123-1, 1351, 1787, 1915et 1947du code civil ; L.121-12du code des assurances et du principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, de:


- les recevoir en leur appel et les y dire bien fondées ;

en conséquence:


- infirmer partiellement la décision déférée ;


- juger que le rapport d’expertise judiciaire du 22septembre2017est objectif, impartial, contradictoire et donc recevable ; que l’incendie du 17juin2016est survenu à l’occasion du dépôt des véhicules Autolib’ et des batteries LMP dans les locaux de la société C O et qu’il est totalement imputable aux batteries LMP confiées par la société Z ; que l’imputabilité principale, naissance et extension, de l’incendie du 17juin2016revient à la société Z qui, en sa qualité de déposant, est tenue d’indemniser la société C L O de toutes les pertes occasionnées par le stockage des batteries ; que l’incendie a été causé par un défaut d’information, de conseil et de mise en garde de la société Z ; que la société Z a commis des fautes dans l’exécution de ses obligations à l’égard de la société C L O ; que la société C L O n’a commis aucun manquement ayant joué un rôle causal dans la survenance ou l’extension de l’incendie du 17juin2016susceptible d’exonérer la société Z de sa responsabilité ; que le préjudice subi par la société C L O du fait de cet incendie s’élève à la somme totale de 1.312.149euros, soit 1.123.381euros en valeur à neuf au titre des dommages matériels et 188.768euros au titre des dommages immatériels ; que la part de dommages non indemnisés restant à la charge de la société C L O, après indemnisation de la compagnie HDI GLOBAL SE, s’élève à la somme de 158.296euros ; que la compagnie HDI GLOBAL SE a déjà réglé, au titre de son contrat d’assurance, la somme de 1.127.553euros au titre des dommages matériels et des pertes d’exploitation ; que la compagnie HDI GLOBAL SE a offert de régler au titre de son contrat d’assurance, la somme de 26.300euros au titre des dommages causés par l’incendie au chariot élévateur appartenant à la société AMVILOC ;

et statuant à nouveau,


- condamner solidairement, ou à défaut in solidum, la société Z et son assureur, la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à la compagnie HDI GLOBAL SE, subrogée dans les droits de la société C L O, la somme de 1.153.853euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au sinistre du 17juin2016avec intérêt de droit à compter du jugement à intervenir ;


- condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Z et son assureur, la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à la société C L O la somme de 158.296euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au sinistre du 17juin2016avec intérêt de droit à compter du jugement à intervenir ;


À titre subsidiaire, en cas de rejet de la subrogation in futurum,


- juger que la compagnie HDI GLOBAL SE est en tout état de cause valablement subrogée dans les droits de son assuré en vertu des sommes déjà versées, à concurrence de 1.127.553euros ;


- condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Z et son assureur de responsabilité, la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à la

compagnie HDI GLOBAL SE, subrogée dans les droits de la société C L O, la somme de 1.127.553euros à titre de dommages et intérêts en réparation des dommages matériels et des pertes d’exploitation consécutifs au sinistre du 17juin2016avec intérêt de droit à compter du jugement à intervenir ;


- condamner solidairement ou à défaut in solidum la société Z et son assureur, la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE, à payer à la société C L O la somme de 184.596euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices non encore indemnisés consécutifs au sinistre du 17juin2016avec intérêt de droit à compter du jugement à intervenir ;


- débouter la société Z et la compagnie AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE de l’appel incident sollicitant la condamnation de la société C L O et de la compagnie HDI GLOBAL SE à la somme de 63.686,96euros;
- en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés Z et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer aux sociétés C L O et HDI GLOBAL SE la somme de 15.000euros au titre des dispositions de l’article 700du code de procédure civile, outre les entiers dépens de la présente instance, comprenant les frais d’expertise, recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699du même code.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 3décembre2019, les sociétés Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE demandent à la cour au visa des articles 9, 232et suivants du code de procédure civile, 1710et 1134et 1147du code civil, dans leur version applicable au contrat cadre, d’infirmer partiellement le jugement déféré en ce qu’il a:


- les a condamnées solidairement à payer à la SA C L O et la SOCIETE de droit étranger HDI GLOBAL SE la somme de 339 446euros ;


- a condamné la SA C L O et la SOCIETE de droit étranger HDI GLOBAL SE solidairement à payer à la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE la somme de 44 581euros ;


- a ordonné la compensation de ces sommes, la SAS Z et la SA AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE étant condamnées sous la même solidarité à payer à la SA C L O et la société de droit étranger HDI GLOBAL SE la somme de 294 885euros ;


- a débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

et statuant à nouveau, de:


- constater que le rapport d’expertise produit par C L O et HDI GLOBAL SE en pièce n°5a été établi en violation des règles relatives à l’administration de la preuve ;


- juger que le rapport d’expertise produit par C L O en pièce n°5est dénué de toute valeur probante ;


- constater que C L O a manqué à ses obligations contractuelles de mise en quarantaine des batteries LMP extraites des véhicules Z incendiés qu’elle conservait ; que Z n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles ; que les manquements de C L O à ses obligations contractuelles sont directement et exclusivement à l’origine des préjudices subis par les parties ; et que Z n’a commis aucune faute ayant joué un rôle causal dans les préjudices subis par les parties ;


- débouter C L O et HDI GLOBAL SE de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à leur encontre ;

en conséquence:


- condamner solidairement C L O et HDI GLOBAL SE à payer à Z la somme de 63.686,96euros au titre des préjudices résultant pour elle du sinistre ;


- condamner C L O à payer à Z et AXA CORPORATE SOLUTIONS la somme de 15.000euros au titre des dispositions de l’article 700du code de procédure civile ;


- condamner HDI GLOBAL SE à payer à Z et AXA CORPORATE SOLUTIONS la somme de 15.000euros au titre des dispositions de l’article 700du code de procédure civile ;
- condamner solidairement C L O et HDI GLOBAL SE aux entiers dépens, comprenant les frais d’expertise.


La clôture est intervenue le 18janvier2021.


Il est expressément renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions ainsi visées, conformément à l’article 455du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la subrogation légale dont se prévaut la société HDI


Vu les articles 31, 126du code de procédure civile, et L.121-12du code des assurances;


La subrogation légale nécessite la réunion de trois conditions, à savoir:


- l’assuré dispose d’un droit à agir contre le responsable du dommage,


- l’assureur est tenu d’indemniser l’assuré, les dommages subis par l’assuré étant couverts par le contrat d’assurance,


- l’assureur a payé l’indemnité d’assurance à l’assuré.


En l’espèce, le tribunal a estimé en page 4de son jugement, dans sa motivation, que l’action de HDI GLOBAL fondée sur la subrogation légale, était recevable, en l’absence de contestation sur ce point de la part des sociétés Z et AXA.


Les appelantes affirment sans être contredites sur ce point que la compagnie HDI a intérêt à agir dans le cadre d’une subrogation légale in futurum dans les droits et actions de son assurée, dès lors qu’elle fournit le contrat de police souscrit, couvrant le sinistre déclaré, et la preuve des paiements effectués pour indemniser l’assurée du sinistre, au titre des dommages directs (mesures conservatoires, dommages au bâtiment, contenu, frais et pertes) et des pertes d’exploitation et frais supplémentaires, à hauteur de 1.127.553euros (après déduction d’une franchise de 10.000euros).


La cour observe à ce titre que ce chef du jugement, implicite mais qui ressort de la motivation, ne figure pas dans la déclaration d’appel et n’est pas visé dans les conclusions des intimées, valant appel incident.


Il n’y a ainsi pas lieu de statuer sur ce point, dont la cour n’est pas saisie et qui n’est au demeurant pas contesté. Il n’y a ainsi pas lieu d’examiner la demande formulée à titre subsidiaire par les appelantes dans l’hypothèse d’une absence de reconnaissance d’une subrogation in futurum.

2) Sur la valeur probante du rapport d’expertise judiciaire du 22septembre2017


Vu, notamment, les articles 9, 15, 16, 237et suivants, et 249du code de procédure civile;


Le jugement a rejeté la demande formulée en défense, tendant à écarter des débats le rapport d’expertise judiciaire.


En cause d’appel, les intimées demandent de nouveau d’écarter des débats le rapport d’expertise judiciaire, dénué de valeur probante, aux motifs notamment qu’il contrevient aux règles d’administration de la preuve (dès lors qu’il contient des observations dénigrantes à l’égard de Z et de sa batterie, sans rapport avec sa mission et le litige opposant les parties), qu’il contient des affirmations péremptoires, fondées sur des postulats faux (notamment en communicant des statistiques infondées et en se basant sur des informations fallacieuses issues d’articles de presse et des réseaux sociaux), qu’il retient des conclusions incompatibles avec ses propres constatations (quant aux conséquences du non respect par C de la mise en quarantaine 24heures des véhicules à l’arrivée sur site, sur la naissance et l’extension de l’incendie, au regard de l’impossibilité qu’il retient de préciser la cause du départ de feu) et qu’il contient une analyse juridique (en qualifiant de manière infondée Z de 'donneur d’ordre’ et C 'd’exécutant de prestation’ et en se prononçant sans réserve sur l’imputabilité du sinistre) outrepassant les limites de la mission d’expertise (qui avait réservé à la juridiction le soin de déterminer les imputabilités entre les intervenants et le sinistre).


Les appelantes répliquent point par point aux critiques développées par les intimées sur le rapport d’expertise judiciaire, et en concluent qu’il est contradictoire, objectif, impartial, dénué de contradiction, et conforme à la mission confiée à l’expert, de sorte qu’il n’y a pas lieu de l’écarter des débats.


Comme l’a exactement retenu le tribunal, les opérations d’expertise judiciaire se sont déroulées au contradictoire des parties.


L’expert judiciaire a ainsi organisé trois réunions contradictoires et rédigé trois notes aux parties numérotées de 1à 3:


- une note aux parties n°1en date du 23novembre2016à la suite de la réunion d’expertise n°1du 10octobre2016 ;


- une note aux parties n°2en date du 19avril2017à la suite de la réunion d’expertise n°2du 15mars2017 ;


- une note aux parties n°3sous forme de synthèse en date du 3août2017à la suite de la réunion d’expertise du 21juin2017.


Il ressort notamment des notes aux parties que:


- 'le feu est parti de la pile de gauche où avaient été stockées les deux dernières batteries des

véhicules incendiés' (Page 11/21, Note aux parties n°1 ; page 10/16Note aux parties n°3);


- 'les parties admettent à l’unanimité que le feu est parti d’une des batteries stockées' et'les parties sont maintenant d’accord sur l’origine et la cause de l’incendie' (Page 11/21et 15/21, Note aux parties n°1)


- 'Les Batteries concernées par l’incendie des 2véhicules sont dans les caisses n°2et 3. La scène d’incendie ayant été remaniée après l’incendie et les batteries concernées ayant été évacuées et détruites par Z, il est impossible de définir laquelle des deux batteries concernées, n°2et n°3a pris feu en premier ni de préciser la cause de départ de feu, emballement thermique ou contact d’eau résiduelle d’extinction avec le lithium lors de manipulations' (Page 11/16, Note aux parties n°3) ;


- 'La naissance de l’incendie est totalement imputable aux batteries de Z. Le non-respect par C de la mise en quarantaine 24h des véhicules à l’arrivée sur site n’a eu aucune incidence sur la naissance et l’extension de l’incendie. Le stockage des batteries démontées à l’intérieur de l’atelier a été fait par un agent Z comme cela a été fait antérieurement pour 9batteries et postérieurement pour une batterie. Aucune directive n’a été donnée par Z sur plusieurs semaines pour interdire ce stockage. Les procédures de transport et de manipulation comportent des risques, avec emballement inopiné, incendie et projections à plus de 20m jusqu’à laphase congélation et destruction. L’imputabilité principale, naissance et extension de l’incendie, revient donc à Z qui seul connaît parfaitement la problématique de sécurité des batteries LMP. C a une imputabilité secondaire pour l’extension du sinistre au bâtiment, et aurait dû demander à Z le contrôle de la validité des procédures et de leur mise en 'uvre' (Page 12/16, Note aux parties n°3).


L’expert judiciaire estime dans son rapport de clôture, en date du 22septembre2017, notamment ce qui suit:


S’agissant de la cause de l’incendie:

'Lors de la première réunion les traces sur le mur ont permis de définir l’origine du feu: les Parties ont admis à l’unanimité que le feu est parti d’une des batteries stockées à l’emplacement désigné ci-dessus.

L’analyse des photos du SDIS pendant l’incendie ont permis de reconstituer l’empilage ci-après des batteries, documents extrait du Rapport établi par le Commandant GOUPIL du SDIS 78et transmis aux Parties par l’Expert le 8mars2017.

Les Batteries concernées par l’incendie des 2véhicules sont dans les caisses n°2et 3. La scène

d’incendie ayant été remaniée après l’incendie et les batteries concernées ayant été évacuées

et détruites par Z, il est impossible de définir laquelle des deux batteries concernées,

n°2et n°3a pris feu en premier ni de préciser la cause de départ de feu, emballements thermique ou contact d’eau résiduelle d’extinction avec le lithium lors de manipulations.


En ce qui concerne les imputabilités entre les intervenants et le sinistre, les responsabilités éventuellement encourues et le partage des responsabilités des intervenants, l’expert estime que 'la naissance de l’incendie est totalement imputable aux batteries de Z.

Le non-respect par C de la mise en quarantaine 24h des véhicules à l’arrivée sur site n’a eu aucune incidence sur la naissance et l’extension de l’incendie.

Le stockage des batteries démontées à l’intérieur de l’atelier a été fait par un agent Z comme cela a été fait antérieurement pour 9batteries et postérieurement pour une batterie.

Aucune directive n’a été donnée par Z sur plusieurs semaines pour interdire ce stockage.

Les procédures de transport et de manipulation comportent des risques, avec emballement inopiné, soudain, feu avec projections violentes de matières incandescentes à plus de 20m jusqu’à la phase congélation puis destruction.

L’imputabilité principale, naissance et extension de l’incendie, revient donc à Z, sachant et donneur d’ordre, qui seul connaît parfaitement la problématique de l’emballement thermique des batteries LMP qui a insuffisamment établi ses consignes et procédures d’applications sans jamais en vérifier l’exécution.

C, exécutant de prestation, a une imputabilité secondaire pour ne pas avoir sollicité Z pour le contrôle de la validité des procédures et de leur mise en 'uvre.

La répartition pourrait donc être de 95à 90% pour Z et 5à 10% pour C'.
Alors que les intimées demandent de priver cette expertise de force probante, bien que menée au contradictoire de l’ensemble des parties, aucune demande à l’encontre de l’expert judiciaire n’a été formée pendant son cours devant le juge chargé du contrôle des mesures d’instruction, autre que l’extension de la mission de l’expert initialement limitée aux origines et causes du sinistre, ainsi qu’au recueil des éléments permettant de déterminer les imputabilités des responsabilités dans la survenance du sinistre, aux préjudices causés dans l’incendie de l’entrepôt du garage de C.


Dès lors que les intimées ont eu la possibilité de présenter leurs observations durant les opérations d’expertise judiciaire, ce qu’elles ont fait au moyen des dires rappelés ci-dessus, puis in fine le 11septembre2017, auxquels l’expert a répondu au moyen de plusieurs notes, et de discuter dans le respect du principe de la contradiction par la suite les conclusions de ce rapport d’expertise, lequel ne lie pas davantage la cour qu’il ne liait le tribunal en ses constatations, avis et propositions, dont il n’est pas démontré qu’ils excédent le cadre de la mission confiée initialement à l’expert, élargie par la suite, il n’y a pas lieu d’écarter ce rapport d’expertise des débats, ni de le priver de force probante.


Le jugement est ainsi confirmé sur ce point.

3) Sur l’imputabilité du sinistre et les responsabilités encourues à ce titre par la société C L et la société Z


Vu, notamment, les articles 1134et 1147anciens du code civil, et les articles 1231nouveau (réparation du préjudice résultant de l’inexécution du contrat), 1787 (louage d’ouvrage) et 1915 (définition du dépôt) du code civil;


Le tribunal a considéré que le contrat cadre, non daté et non signé, produit par les parties était un contrat d’entreprise, dont le dépôt n’était que l’accessoire des prestations de service qu’il encadre.


Estimant que l’incendie trouvait sa cause dans les opérations de démontage, de stockage et de mise en quarantaine des batteries LMP, le tribunal a retenu un partage de responsabilités entre les parties en raison:


- d’une part, d’une faute commise par M.A, préposé de C L, qui n’a pas respecté la procédure de mise en quarantaine, en l’absence de preuve que la société Z aurait toléré antérieurement une situation conduisant à l’absence de mise en quarantaine des véhicules et en l’absence de preuve d’un manquement à son devoir de conseil de la part de société Z ;


- et d’autre part, d’une faute commise par le technicien de Z, M.B, à qui le directeur du site avait demandé fermement la dépose des batteries, face à un parking saturé, et qui, après avoir manifesté des réserves, n’a pas avisé sa hiérarchie du non respect des instructions de quarantaine et de l’état de la batterie, faute dont la société Z est civilement responsable.


En cause d’appel, la société C L O et son assureur soutiennent en pages 29à 58/67de leurs conclusions, en substance, que la responsabilité contractuelle de la société Z est engagée au visa des articles 1134alinéa 3, 1231, 1787et 1915du code civil, le contrat cadre de prestation de service de 'type garagiste’ liant les parties étant un contrat mixte s’analysant pour partie en contrat d’entreprise et pour partie en contrat de dépôt. Ils expliquent que la volonté des parties ayant été de distinguer les prestations, d’une part, de stockage des véhicules et des batteries (objets d’un contrat de dépôt) et, d’autre part, de remorquage et de réparation des véhicules (objets d’un contrat de prestations de services), le dépôt ne saurait être considéré comme le simple accessoire d’un contrat de prestations de services.


Les appelantes précisent que, s’il avait bien été initialement convenu que le démontage, le conditionnement, le déplacement et l’entreposage des batteries litigieuses serait effectué par la société C L O, ces prestations s’inscrivant alors dans la continuité de celles de remorquage et de réparation des véhicules, ces conventions ont été novées par la volonté des parties, et il s’y est substitué un mode opératoire totalement distinct.


Les appelantes ajoutent qu’ainsi, dès l’origine de la prise d’effet du contrat, le démontage, le conditionnement, le déplacement et l’entreposage des batteries litigieuses étaient entièrement effectués par les préposés de la société Z, dans les locaux de la société C L O qui n’intervenait en rien dans la réalisation de ces prestations, de sorte que l’objet de la prestation effectuée au titre de cette convention particulière par la société C L O se limitait à la conservation des packs de batteries démontées en attente de leur enlèvement par la société Z.


Elles en déduisent que la novation a eu pour effet de faire coexister deux types de convention entre les parties: un contrat de prestations de services pour le remorquage et la réparation des véhicules, et d’autre part, un contrat de dépôt pour le stockage des véhicules et des batteries, de telle sorte que ce contrat s’apparente pour partie en un contrat d’entreprise et pour sa partie litigieuse en un contrat de dépôt.


Subsidiairement, si la cour considère que le contrat de dépôt est accessoire aux prestations de remorquage et dépannage, les appelantes soutiennent qu’en prenant la responsabilité de faire procéder par ses préposés au démontage, au conditionnement, au déplacement et à l’entreposage des batteries litigieuses, la société Z a contracté envers la société C L O une obligation de sécurité, ainsi qu’une obligation de conseil, de mise en garde et d’information, qui n’ont pas été respectées.


Elles déduisent de ces éléments que la responsabilité contractuelle de la société Z est engagée en raison du dépôt des batteries, pour défaut d’information et de conseil ainsi que pour mauvaise exécution de ses obligations à l’égard de son cocontractant, la société C L O.


A ce titre, elles soutiennent que les pertes au dépôt des batteries LMP sont imputables à la seule société Z, au visa de l’article 1947du code civil et du contrat de prestations de services, en vertu duquel la société RENAUT L O avait l’obligation de garder dans ses locaux les véhicules Autolib’ et les batteries LMP remis par la société Z, la société RENAUT L O devant ainsi conserver des packs de batteries démontées en attente de leur enlèvement par la société Z, qui était ainsi tenue envers elle d’une obligation de résultat de sécurité des produits confiés en dépôt, à laquelle elle a manqué, dès lors d’une part, que les batteries Z présentent, par leur nature même, une dangerosité élevée et que, d’autre part, l’incendie qui a causé des pertes et des dommages à la société C L O trouve sa source et son origine dans l’inflammation spontanée des batteries LMP remises en dépôt par la société Z, en l’absence de toute cause extérieure imputable à la société C L O.


Elles ajoutent que les préposés de la société Z, seuls sachants du comportement des batteries, ont pris la décision de procéder au démontage des batteries, malgré le non-respect de la période de quarantaine du véhicule, qu’ils ne pouvaient ignorer ; qu’ils ont décidé de poursuivre le démontage malgré la constatation d’une élévation de température, sans prendre aucune mesure particulière de précaution ; que nonobstant cette élévation de température, ils ont décidé d’entreposer les batteries ainsi démontées sans précaution spécifique et que la société Z, qui est seule responsable des actes de ses préposés, n’a donné aucune directive à cet égard pour interdire ce dépôt.


Les appelantes ajoutent qu’aucune faute à l’origine de l’incendie et des dommages ne peut être retenue à l’encontre de la société C L, susceptible d’exonérer la société Z de sa propre responsabilité, et qu’il n’est pas démontré de lien de causalité entre une cause étrangère au dépôt des batteries ou un cas de force majeure, et l’incendie et les dommages.
Elles estiment que la très faible imputabilité retenue par l’expert judiciaire à l’encontre de la société C L O ne permet pas au déposant, la société Z, de s’exonérer de sa responsabilité.


Elles expliquent que la société Z étant la seule à connaître la problématique de sécurité des batteries et n’ayant pas mis en mesure la société C L O de maîtriser les risques inhérents au stockage de ce produit, cette société, déposante, a manqué à son devoir d’information, de conseil et de mise en garde à l’égard de la dépositaire, la société C L O à l’occasion du contrat de dépôt.


Elles ajoutent qu’en établissant insuffisamment ses consignes et procédures d’application et en ne vérifiant pas la bonne application de celles-ci dans les locaux du dépositaire qu’est la société C L O, la société Z a commis une faute dans l’exécution de sa prestation en manquant à ses obligations de contrôle, de surveillance et de sécurité résultant du dépôt des batteries.


Les appelantes soutiennent ensuite, au visa des anciens articles 1147et 1151du code civil, que la société Z a manqué à son obligation de conseil, d’information et de mise en garde, en ce qu’elle n’a pas attiré expressément l’attention de la société C L sur la dangerosité des batteries et ne l’a pas conseillée ni mise en garde sur les modalités de stockage de celles-ci, une fois démontées, commettant ainsi une faute dans l’exécution de sa prestation, dès lors qu’elle n’a pas été de ce fait en mesure de maîtriser les risques inhérents au stockage des batteries LMP par la société Z, d’autant plus que le contrat qui se contente de préciser que 'le pack [de batteries LMP] doit être démonté au plus tôt après la période de 24h00puis conservé et transporté congelé', ne prévoit pas de procédure spécifique et n’alerte pas le cocontractant sur les risques inhérents aux batteries stockées.


Elles affirment que la société C ne disposait d’aucune expertise dans la fabrication de batteries et n’était ainsi pas un dépositaire averti et que, si le groupe C commercialise bien des véhicules électriques, la technologie des batteries utilisées à cet effet est totalement différente de celle employée par la société Z.


Les appelantes soutiennent au visa des articles 1134et 1147anciens du code civil, qu’en tout état de cause, la société Z a manqué à l’exécution de ses obligations contractuelles et plus particulièrement à ses obligations de sécurité, de conseil, de mise en garde et d’information, découlant de la novation du contrat, en particulier en s’abstenant (directement ou via ses préposés) de formuler des réserves relatives à l’application des règles et consignes de sécurité dont la mise en oeuvre incombait à ses préposés, sur les modalités de stockage des batteries, manquements qui ont directement causé le dommage que la société C a subi, et dont seule la société Z doit répondre, en l’absence de tout lien de subordination entre ces deux sociétés.


Elles ajoutent qu’en établissant insuffisamment ses consignes et procédures d’application à destination de ses préposés et de la société C L O, la société Z a commis une négligence fautive ayant contribué à la survenance de l’incendie litigieux, et qu’ en ne vérifiant pas la bonne application et/ou l’adaptation de ses consignes et procédures dans les locaux de la société C L O, la société Z a manqué à ses obligations de contrôle, de surveillance et de sécurité, caractérisant une faute imputable à M.B, dont doit répondre son commettant, la société Z.


Les fautes commises présentant un lien direct avec les dommages subis, les appelantes sollicitent la condamnation de la société Z à leur indemnisation, ses fautes et celles de ses préposés en étant la cause exclusive, solidairement avec son assureur.


Les appelantes contestent enfin, au visa des articles 1151ancien et 1789du code civil, tout manquement contractuel imputable à la société C L O, en particulier en ce qui concerne la zone de quarantaine, du fait notamment de la fréquence et du nombre de véhicules gravement endommagés ou incendiés reçus sur le site de BUC à la suite des manifestations contre la loi 'EL KHOMRI', rendant impossible l’application des consignes sur ce point, ce que n’ignorait pas la société Z, qui a ainsi commis une faute en continuant à alimenter un site dont elle savait qu’il était saturé, faute exonérant la société C L O de sa propre obligation contractuelle et de sa responsabilité.


Elles ajoutent qu’aucune faute ne peut être retenue à l’encontre de la société C L O pour le non respect du délai de 24heures avant le démontage des batteries, que la décision de démonter les batteries de ces véhicules a été prise par le seul préposé de la société Z, qui ne saurait de ce chef formuler aucun grief à la société C L O, qu’aucun élément contractuel ne prévoit le stockage des batteries une fois démontées à l’extérieur de l’entrepôt, à 10mètres d’écart des bâtiments, ni sous bâche, comme tentent vainement de le soutenir les sociétés Z et AXA CS, de sorte qu’elle n’a manqué à aucune obligation de résultat ni commis de manquement contractuel dans le stockage des batteries LMP, qui étaient des produits présentant des risques dont elle n’avait pas la maîtrise, contrairement à la société Z.


Soutenant que les sociétés Z et AXA CS ne démontrent aucun lien de causalité immédiate et directe entre le manquement imputé à la société C L O et la survenance de l’incendie ayant causé le dommage, qui résulte exclusivement du comportement de la batterie LMP qui était maîtrisé uniquement par la société Z, elles demandent de débouter les intimées de leur appel incident.


Les intimées répliquent en substance, en pages 21à 35de leurs dernières conclusions, que le contrat cadre conclu était un contrat d’entreprise dont le dépôt ne constitue que l’accessoire, dès lors qu’il n’inclut pas seulement des prestations de remorquage, de réparation et de stockage des véhicules Z, mais prévoit aussi, en ses annexes 5et 6, des prestations de démontage des packs et de mise en quarantaine, dont il résulte que la remise des véhicules Z incendiés à C L O n’avait pas pour unique objet de les voir stockés jusqu’à leur reprise par Z, ayant pour objet la réalisation d’un travail essentiel par RRG, à savoir la manipulation et la sécurisation du périmètre autour des véhicules présentant un risque et des batteries qui en étaient extraites, selon des consignes de sécurité définies par Z.


Les sociétés Z et AXA contestent la novation invoquée par les appelantes, pour la première fois en cause d’appel, en l’absence de volonté de nover non équivoque, résultant clairement des faits et actes intervenus entre les parties.


Elles ajoutent que la nature de l’obligation de mise en quarantaine pesant sur C L O était une obligation de résultat qui consistait à sécuriser le périmètre situé autour des batteries LMP dont elle avait la garde, engageant de plein droit sa responsabilité en cas d’inexécution de cette obligation, comme cela a été le cas en l’espèce, inexécution d’autant plus inacceptable que le préposé de Z qui était intervenu pour procéder au démontage des batteries avait expressément attiré l’attention de la direction, et ce à trois reprises, sur le caractère « anormalement chaud » d’une des batteries extraites.


La violation par la société C L O de son obligation de mettre en quarantaine les batteries LMP extraites des véhicules Z incendiés qui lui avaient été remis étant directement et exclusivement à l’origine de la propagation de l’incendie à l’entrepôt dans lequel elle avait fait le choix de les conserver, les intimées en déduisent que le jugement déféré doit être infirmé en ce qu’il a retenu un partage de responsabilité et qu’il convient de débouter les sociétés C L O et HDI GLOBAL SE de l’ensemble de leurs demandes à leur encontre et de les condamner solidairement à réparer l’entier préjudice résultant pour la société Z de l’inexécution par la société C L O de ses obligations contractuelles.
Elles contestent toute faute de la part de la société Z dans l’exécution du contrat, notamment au titre de son obligation d’information et de conseil, exposant au contraire que celle-ci a conseillé et informé son client des risques de l’installation et qu’elle n’a pour sa part pas commis de faute dans l’exécution de la prestation confiée.


SUR CE,

a) la qualification du contrat


En cause d’appel, les parties produisent aux débats le même contrat cadre que devant les premiers juges, ni daté ni signé, dénommé 'contrat cadre de prestations de services', composé d’un document de 46pages régissant notamment les modalités générales d’exécution des prestations, le prix et les modalités de facturation, la durée du contrat, sa résiliation, la force majeure, la responsabilité et l’assurance, outre les annexes afférentes et un document référencé D06-122-EXT, intitulé 'consigne de sécurité: recommandation en cas de feu au niveau d’une voiture ou d’un pack en zone de 40aine', dont l’ensemble forme selon la définition donnée en page 3de ce document, le contrat cadre.


L’objet de ce contrat est: 'de définir les principes et conditions selon lesquels Z confiera aux Réparateurs Centraux Agréés l’exécution des Prestations, sous réserve de la signature des Contrats Réparateurs Centraux Agréés appropriés', prestations définies en page 4/46du contrat comme étant 'les prestations de remorquage, maintenance atelier, maintenance itinérante, réparation carrosserie lourde, peinture carrosserie, stockage épave et mise en quarantaine et démontage-remontage de la batterie de traction, réalisées sur les véhicules par les Réparateurs Centraux Agréés ou les Réparateurs Agréés, et décrites en annexes 1à 6du contrat cadre'.


L’annexe 5de ce contrat cadre est intitulée 'Convention particulière ' Prestations de stockage épave / Véhicules incendiés et mise en quarantaine' tandis que l’annexe 6est intitulée 'Convention particulière ' Prestations de démontage-remontage de la batterie de traction'.


Ces annexes figurent ainsi parmi celles destinées à décrire les diverses prestations stipulées au contrat.


Il résulte de ces stipulations claires et précises, qui expriment la volonté des parties, que le contrat conclu est un contrat, en ses stipulations principales, de prestation de services au sens de l’article 1710du code civil, qui le prévoit sous le nom de 'louage d’ouvrage', en ce qu’il s’agit d’une convention conclue à titre onéreux entre deux parties, un prestataire et son client, ayant fait naître entre eux des droits et obligations, à savoir l’obligation pour le prestataire de service RRG de réaliser divers services (notamment remorquage, dépannage, maintenance, réparation des véhicules électriques Autolib'), moyennant celle, incombant au maître d’ouvrage, Z, de le rémunérer pour les prestations réalisées.


La cour ne peut suivre les appelantes lorsqu’elles soutiennent que ce contrat comporte des obligations qui ne relèvent pas du louage d’ouvrage, à savoir le stockage des véhicules et des batteries, mais d’un contrat de dépôt, en ce que ces prestations seraient essentiellement distinctes de par la volonté des parties, conférant ainsi au contrat un caractère mixte, résultant du fait que la prestation de service est en fait celle d’un garagiste, et du fait que les parties ont entendu, dès le début de l’exécution de ce contrat, en opérer la novation en ce sens.


En effet, comme le font valoir les intimées, les prestations de démontage des packs et de mise en quarantaine, prévues aux annexes 5et 6du contrat cadre, et le document portant recommandation en cas de feu au niveau d’une voiture ou d’un pack en zone de quarantaine, attestent de ce que la remise à la société C des véhicules Z incendiés avait notamment pour objet la manipulation et la sécurisation du périmètre autour des véhicules présentant un risque et des batteries qui en étaient extraites, selon des consignes de sécurité définies par la société Z, et la société C ne démontre pas, alors qu’il lui appartient de le faire dès lors que cela est contesté par l’autre partie, la volonté de nover le contrat dont elle excipe, aux fins de limiter, dès le début de l’exécution du contrat, ses obligations à la seule conservation des packs des batteries démontées en attente de leur enlèvement.


En effet, cette novation ne peut être caractérisée par la seule intervention des préposés de Z sur le site de BUC pour procéder à l’opération de démontage des batteries issues des véhicules Z, dès lors que cette intervention était expressément prévue par le contrat cadre en son annexe 6en ces termes: 'le Réparateur Central Agréé réalisera ou fera réaliser les Prestations de Démontage-Remontage de la Batterie de Traction des Véhicules, selon le process détaillé indiqué dans le manuel atelier communiqué par Z à tous les Réparateurs Centraux Agréés'.


Il n’est pas davantage démontré que Z aurait renoncé à la prestation de mise en quarantaine de ses véhicules et des batteries qui en étaient extraites, dès lors que Z justifie avoir expressément demandé à C L O dans son mail du 15juin, 2016de 'veiller à la mise en quarantaine des véhicules' incendiés.


Or, conformément aux dispositions des articles 1128et 1329du code civil dans leur version en vigueur depuis le 1er octobre 2016, la novation, qui a pour objet de substituer, notamment entre les mêmes parties, à une obligation, qu’elle éteint, une obligation nouvelle qu’elle crée, nécessite pour que le contrat soit valable, le consentement des parties concernées, lequel ne se présume pas et n’est pas au cas d’espèce démontré.


Le jugement est ainsi confirmé en ce qu’il a à bon droit estimé que le contrat en cause est un contrat d’entreprise, dont le dépôt n’est que l’accessoire, étant rappelé qu’un contrat principal est celui qui existe indépendamment d’un autre, et que le contrat accessoire suppose l’existence d’un autre contrat auquel il se rattache, ce qui est en l’espèce le cas.


Il s’en déduit qu’il n’y a pas lieu d’examiner le moyen soutenu par C tendant à engager la responsabilité contractuelle de Z en sa qualité de déposant, du fait de l’imputabilité des pertes au dépôt des batteries LMP remises à C, pour défaut d’information et de conseil et mauvaise exécution de ses obligations de déposant à l’égard de son cocontractant, au visa de l’article 1947du code civil, qui édicte une obligation pour la personne qui a fait le dépôt d’indemniser le dépositaire de toutes les pertes que le dépôt peut lui avoir occasionnées.


L’examen des moyens développés en défense sur ce point par la société Z, en la qualité de déposant telle qu’alléguée par C, aux fins de ne pas être tenue de réparer le préjudice subi par le dépositaire allégué, la société C, en démontrant que le dommage (à savoir les pertes que le dépôt lui a occasionnées) est imputable à la faute de celui-ci, est dès lors également sans objet.


Il convient en revanche d’examiner les fautes contractuelles invoquées de part et d’autre dans l’exécution du contrat de prestation de services, leur lien avec le sinistre et les préjudices allégués.

b) les obligations contractuelles


L’article 3.3.3 'Autres Prestations' du contrat cadre stipule que 'La description complète et les modalités d’exécution des Prestations de Maintenance Atelier, Maintenance Itinérante, […], Mise en quarantaine, et de Démontage-Remontage de la Batterie de Traction, sont précisées dans les Conventions Particulières correspondantes'.


Les conditions de stockage des véhicules épaves et/ou incendiés sont définies à l’annexe 5 'CONVENTION PARTICULIERE PRESTATIONS DE STOCKAGE EPAVE' du contrat cadre conclu entre les parties, qui prévoit la réalisation de ' PRESTATIONS DE STOCKAGE EPAVE / VEHICULES INCENDIES ET MISE EN QUARANTAINE' comme suit:
'[…]

1.1Prestation de stockage des épaves/ incendiés et mise en quarantaine

Sur demande du Centre des Opérations, le Réparateur Central Agréé réalisera ou fera réaliser la mise en dépôt, le stockage et la mise en quarantaine, des véhicules déclarés épaves et/ou incendiés.

Il s’agit par exemple de véhicules gravement accidentés ou incendiés partiellement ou totalement.

Concernant plus spécifiquement la prestation de quarantaine, il s’agit de manipuler et sécuriser le périmètre autour des véhicules présentant un risque (véhicules gravement accidentés ou incendiés) selon les consignes de sécurité définies.

Les Prestations de stockage et mise en quarantaine seront réalisées à la demande expresse du Centre des Opérations (')

ARTICLE 2 – MODALITES D’EXECUTION DES PRESTATIONS DE STOCKAGE EPAVE / INCENDIES

Lors de la réception d’un Véhicule dans les locaux du Réparateur Central Agréé ou du Réparateur Agréé désigné, les Prestations de stockage des épaves et mise en quarantaine, selon

les consignes de sécurité communiquées par Z, conformément au process prévu à l’article 3.3du Contrat Cadre et au document référence D06-122-EXT Recommandation en cas de feu au niveau d’une voiture ou d’un pack en zone de quarantaine '.


Le document portant la référence D06-122-EXT 'Consigne de Sécurité: Recommandation en cas de feu au niveau d’une voiture ou d’un pack en zone de 40aine' stipule quant à lui concernant la mise en quarantaine permettant d’isoler les véhicules incendiés ou gravement accidentés et les packs qui en sont issus après démontage, ce qui suit:

'1) Condition de mise en quarantaine

11 – Pour la voiture

Pendant 24h, puis prendre les dispositions pour démonter au plus vite le pack

A l’air libre et sous surveillance

A une distance de 10m de combustibles et bâtiments

Bâché pour éviter toute pénétration d’eau dans la batterie

Sur une surface horizontale ou arrière du véhicule en point bas, jamais l’inverse

12 – Pour le pack

Le pack doit être démonté au plus tôt après la période des 24h00puis conservé et transporté congelé'.


Ce document précise, en préambule des 'recommandations pour les pompiers en cas de feu de batterie sur zone de 40aine', qu’en 'toute logique, la zone de quarantaine est conçue pour que le sinistre ne puisse se propager'.
C’est à juste titre que les intimées déduisent de l’ensemble de ces stipulations que la société C L O s’est ainsi engagée à assurer la mise en quarantaine des véhicules Z incendiés et des packs qui en sont extraits, ce qui est en principe dépourvu d’aléa, au moyen d’une obligation de résultat engageant de plein droit sa responsabilité en cas d’inexécution.


La mise en quarantaine de la voiture incendiée ou gravement accidentée, devant ainsi se faire pendant 24heures, à l’air libre et sous surveillance, à une distance de 10mètres de combustibles et bâtiments, bâchée pour éviter toute pénétration d’eau dans la batterie, sur une surface horizontale ou arrière du véhicule en point bas, jamais l’inverse, elle précède nécessairement le démontage de la batterie. Mais contrairement à ce que soutiennent les appelantes, les documents contractuels ne prévoient pas que ce démontage s’effectue à l’intérieur des bâtiments. Ils prévoient uniquement que le démontage du pack de batterie de ces véhicules doit se faire 'au plus tôt' après la période des 24heures, puis qu’il doit être conservé et transporté congelé.

* la faute contractuelle de C L O


Comme l’a retenu le tribunal, il est établi que les quatre véhicules vandalisés ou sinistrés dont deux avaient été incendiés, sont arrivés sur le site de BUC dans la nuit du 15juin2016, qu’ ils ont été déposés par le transporteur mandaté par C L dans des conditions gênant l’accès du site et que M.A, le directeur du site, a demandé dès le 15juin à la première heure la dépose des batteries à M.B, technicien de Z.


La société Z justifie quant à elle avoir dès le 15juin2016, expressément demandé par courriel à la société C L O de 'veiller à la mise en quarantaine des deux véhicules incendiés', dont il n’est pas contesté qu’il s’agissait des véhicules immatriculés DK-543-JF et CM-344-VN, réceptionnés sur le site de BUC le jour même avec deux autres véhicules, quant à eux vandalisés.


Le directeur d’exploitation de la société C L O a expressément reconnu lors des opérations d’expertise qu’il n’avait pas été en mesure d’assurer cette prestation de mise en quarantaine 'en raison de difficultés de logistique', dès lors que 'le parc était saturé de véhicules'.


Si la société C L maintient en cause d’appel que la société Z aurait toléré antérieurement une situation conduisant à l’absence de mise en quarantaine des véhicules, et qu’elle ne pouvait ignorer l’état de saturation du site consécutif aux manifestations contre 'la loi EL KHOMRI', rendant impossible l’exécution de son obligation à ce titre, aucun élément probant n’est versé aux débats sur ce point.


En revanche, comme il l’a été rappelé, la société Z justifie avoir demandé, par courriel du 15juin2016, à la société C L O de veiller à la mise en quarantaine des deux véhicules incendiés, remorqués dans la nuit du 14au 15juin2016, ce qui démontre qu’elle n’a nullement consenti, ne fût-ce qu’implicitement, à l’utilisation du site dans les conditions revendiquées par RRG, à savoir sans exécution de l’obligation de mise en quarantaine du fait de l’engorgement du site de BUC.


En produisant les courriels qu’elle a adressés à la société C L O les 22et 24mars2016, ainsi que des échanges de courriels entre elles, en date du 3juin2016, la société Z justifie pour sa part d’une désorganisation de la gestion du site de BUC devant accueillir les véhicules gravement accidentés, déclarés épaves et/ou incendiés, en ce qu’elle a fait part de ses interrogations sur le bien fondé de la localisation sur ce site de plusieurs véhicules accidentés qu’elle souhaitait expertiser, au regard de ce qui était prévu initialement, ces véhicules ayant été remorqués à BUC au lieu de CLAMART.


La société Z justifie par ailleurs de ce que son préposé, M.B, intervenu pour procéder au démontage des batteries avait expressément attiré, en vain, l’attention de M.A, à trois reprises, sur le caractère 'anormalement chaud’ d’une des batteries extraites, soit:


- une première fois avant le démontage de la batterie, lorsque le véhicule était sur le pont, pour signaler qu’il avait reçu de l’eau chaude sur les épaules,


- une seconde fois, après avoir déposé la batterie et l’avoir posée sur la table de levage,


- une troisième fois, après avoir mis la batterie dans la caisse en bois prévue à cet effet.


C’est ainsi en parfaite connaissance de cause des risques que la société C L O s’est abstenue d’exécuter son obligation de mise en quarantaine, qui l’obligeait à assurer la sécurisation du périmètre situé autour des batteries LMP dont elle avait la garde.

* le lien de causalité entre la faute contractuelle de C L O et les préjudices résultant pour les parties de l’incendie


Par courriel du 21juin2016, M.A a reconnu que la mise en quarantaine des batteries aurait permis d’éviter la propagation de l’incendie, en ces termes:

' A 17h20cette après-midi, nous avons subi une reprise de feu sur une des deux batteries LMP partiellement incendiées.

[']

Ne pouvant laisser une telle situation avec la dernière batterie en capacité de brûler, pour protéger l’établissem*nt de la RAP, ainsi que les véhicules se trouvant sur le parc, avec l’accord du commandant GOUPIL, et les conseils d’M N, j’ai pris la décision de faire évacuer deux véhicules thermiques (une clio et un scenic) et ranger 3véhicules Z.

[']

Actuellement, il y a donc une distance d’environ 5mètres entre les batteries et les premiers véhicules (photos).

[']

Si une situation similaire à cette après-midi venait à se reproduire, les risques de propagation vont être beaucoup plus faible'.


La violation par C L O de son obligation de mettre en quarantaine les batteries LMP extraites des véhicules Z incendiés qui lui avaient été remis est directement à l’origine de la propagation de l’incendie à l’entrepôt dans lequel elle avait fait le choix de les conserver.


Elle doit ainsi indemniser les préjudices causés par sa faute.

* la faute contractuelle de la société Z


C’est vainement que la société C L O impute en premier lieu à la société Z un manquement à ses obligations d’information, de conseil et de mise en garde, faute de l’avoir informée du fait que les packs de batteries, une fois démontés, présentaient toujours une dangerosité telle qu’il convenait de les conserver dans des conditions spécifiques.
En effet, en application du contrat cadre rappelé ci-dessus, la société C L O s’était engagée, spécifiquement pour les véhicules gravement accidentés ou incendiés, à sécuriser le périmètre situé autour des véhicules et des packs qui en sont extraits.


La mise en quarantaine des véhicules incendiés et de leur batterie devait être effectuée selon les consignes de sécurité émises par Z dans le document intitulé 'Consigne de Sécurité: Recommandation en cas de feu au niveau d’une voiture ou d’un pack en zone de 40aine', qui faisait partie intégrante dudit contrat.


Nonobstant les conclusions du rapport d’expertise judiciaire sur ce point, la société C L O ne peut être suivie lorsqu’elle reproche à la société Z de ne pas avoir attiré expressément son attention sur la dangerosité des batteries.


Elle ne peut davantage être suivie lorsqu’il lui reproche un défaut de conseil et de mise en garde sur les modalités de stockage de celles-ci, l’exposant ainsi au risque d’incendie des batteries extraites des véhicules Z incendiés, d’autant plus que:


- lors de la première réunion d’expertise tenue sur le site de BUC, il a été constaté que C L O, déjà confrontée à un incendie de batterie LMP deux ans auparavant, avait pleinement respecté son obligation de mise en quarantaine, en stockant ladite batterie à l’air libre et à plus de 10mètres de distance des bâtiments, empêchant ainsi toute propagation de l’incendie et tout préjudice ;


- C L O disposait d’un personnel qualifié et formé quant aux risques liés aux batteries électriques, en ce que ses préposés disposent d’une habilitation électrique B2XL, laquelle implique la connaissance des caractéristiques techniques des différentes technologies de batterie, des risques électriques liés à ces véhicules, des moyens de prévention des risques d’incendie, et de la conduite à tenir en cas d’incendie, et Z assurait par ailleurs des formations spécifiques sur ses batteries LMP auprès des personnels de C L O, comme en atteste le courriel adressé le 05novembre2015par M.A à Z.


En effet, par ce courriel, M.A envisage la mise en place sur BUC d’une formation B2XL avec un organisme certifié, en la présence de véhicules électriques (ZOE, TWIZY) et souhaite un prêt de véhicule pour intégrer la Z dans la formation.


Evoquant une modification de l’organisation de C Assistance, à savoir le remplacement du chef de parc, par un dépanneur/remorqueur/mécanicien, très expérimenté, il précise alors que 'Dans le cadre de son poste, il sera amené à traiter les batteries électriques de véhicules du parc de BUC. Pour cela, j’aurais besoin d’une formation auprès de vos équipes sur le site de NEY, afin qu’il maîtrise ce type d’opération'.


Or, dans sa réponse formulée par courriel du 10novembre2015, Z, acceptant de prêter un de ses véhicules comme demandé, a notamment répondu à M.A en ces termes: 'Oui on peut organiser une formation. S’il s’agit du démontage des packs de VE 'accidentés', la formation devra se faire en zone de quarantaine et donc dans vos locaux. En pièce jointe le mode opératoire.

Pour le démontage des packs intègres, le mieux est que le savoir-faire soit transmis par vos équipes de Clamart'.


Dès lors, il importe peu de savoir si la société RRG ignorait ou non que les batteries LMP extraites des véhicules incendiés pouvaient présenter un risque, même à l’expiration du délai de quarantaine et si la société RRG était nécessairement ou non consciente des risques encourus, au regard de sa propre expérience en qualité de constructeur de véhicules électriques, qui l’a notamment conduite à éditer dès 2012un 'Guide pour les Services de Secours' dans lequel elle recommande l’isolement de ses véhicules électriques accidentés pendant une période de 48heures sur ' une place de parking extérieure non couverte', 'éloigné[e] d’au moins 12mètres d’un bâtiment'.


C’est également vainement que la société RRG impute à la société Z, en second lieu, des manquements dans l’exécution de sa prestation voire une négligence fautive, au motif de l’insuffisance de ses consignes et procédures d’application à destination de ses préposés et de la société RRG, et faute d’avoir vérifié la bonne application et/ou l’adaptation de ses consignes et procédures dans les locaux de la société C L O, alors qu’en prenant la responsabilité de faire procéder par ses préposés au démontage, au conditionnement, au déplacement et à l’entreposage des batteries litigieuses, la société Z aurait contracté envers la société C L O une obligation de sécurité, ainsi qu’une obligation de conseil, de mise en garde et d’information, qui n’ont pas été respectées.


En effet, comme le réplique la société Z les prestations de démontage des packs et de mise en quarantaine des véhicules Z et des batteries qui en sont extraites sont deux prestations distinctes, prévues aux annexes 5et 6du contrat cadre.


La société Z n’est pas utilement contredite lorsqu’elle soutient que ses préposés ne venaient sur le site de BUC que pour procéder à l’opération de démontage des batteries des véhicules Z qui leur étaient désignés par le directeur d’exploitation du site, M.A.


Or, l’intervention des préposés de la société Z était une des modalités prévues au contrat cadre qui stipule en son annexe 6que ' le Réparateur Central Agréé réalisera ou fera réaliser les Prestations de Démontage-Remontage de la Batterie de Traction des Véhicules, selon le process détaillé indiqué dans le manuel atelier communiqué par Z à tous les Réparateurs Centraux Agréés'.


Une fois les batteries LMP démontées des véhicules Z, il incombait à la société C L O de réaliser la prestation de mise en quarantaine qui lui avait été confiée, telle que prévue à l’annexe 5du contrat cadre, d’autant plus que Z lui avait expressément demandé de 'veiller à la mise en quarantaine des véhicules'.


La société C L O ne peut s’exonérer de sa propre responsabilité en invoquant son absence de pouvoir de direction sur les techniciens de la société Z, dès lors que M.A a expressément reconnu lors de l’accédit du 15juin2017avoir demandé au préposé de Z, M.B, simple opérateur dont la différence de statut le privait de la possibilité de s’opposer aux directives du directeur d’exploitation du site, d’entreposer les batteries LMP qu’il venait de démonter à l’intérieur de l’entrepôt litigieux, alors même que M.B avait proposé de les placer à l’extérieur.


S’agissant de l’insuffisante définition des consignes et procédures alléguée par la société C L O, il a été exposé ci-dessus que la société Z justifie avoir fourni toutes les informations utiles pour permettre à la société C L O d’exécuter sa prestation de mise en quarantaine au travers des documents contractuels et des formations dispensées à ses salariés, d’autant plus qu’en qualité de professionnelle, la société C L O aurait dû se renseigner auprès de la société Z et l’informer d’une éventuelle incompréhension quant auxdites consignes.


S’agissant du manquement allégué aux obligations de contrôle et de surveillance de la société Z, il n’est pas fondé dès lors que de telles obligations ne pesaient pas sur la société Z qui, au contraire, était tenue de s’abstenir de toute ingérence dans le travail de son entrepreneur.


En revanche, la société C L O démontre avoir informé la société AUTOLIB notamment par courriels des 05et 15avril2016, soit au cours du mois précédant la survenance de l’incendie, de la saturation du site de BUC tant en ce qui concerne la capacité d’accueil des véhicules, que celle des packs de batterie.


Or, la société Z a continué de demander l’enlèvement de véhicules à destination de ce site, aux fins de mise en quarantaine, et le stockage des batteries en découlant.


Ce faisant, elle a commis une faute dont elle doit répondre.


En outre, comme l’a relevé le tribunal, le préposé aurait du informer sa hiérarchie du non respect des instructions de quarantaine et de l’état de la batterie, ce qu’il n’a pas fait, commettant ainsi une faute dont la société Z doit également répondre civilement, en sa qualité de commettant du technicien étant intervenu sur le site.

* le lien de causalité entre la faute de Z et les préjudices subis


Les fautes commises par la société Z et son préposé, dont elle répond civilement, sont directement à l’origine de la propagation de l’incendie à l’entrepôt dans lequel étaient conservées les deux batteries des véhicules incendiées.


Elle doit ainsi indemniser les préjudices subis.

* le partage de responsabilité


Compte tenu de leurs fautes respectives, c’est à juste titre que le tribunal a retenu un partage de responsabilités entre les sociétés RRG et Z, à hauteur respectivement de 70% et de 30%.


Le jugement est confirmé sur ces points.

4) Sur les préjudices et la compensation

a) la société RRG


En produisant le procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages qu’elle a subis , signé le 14mars2017 (par le cabinet D, expert intervenant pour AXA CS, assureur de la société Z, et par le cabinet F G, expert intervenant pour HDI, assureur de RRG), la société C L O justifie d’un préjudice total à hauteur de 1.312.149décomposé comme suit:

* préjudice matériel total: 1.129.381euros en valeur à neuf, soit 1.123.381euros en valeur à neuf (969.825,00euros en valeur vétusté déduite) + 6 000euros de mesures conservatoires ;

* préjudice immatériel: 182.768euros.


Selon quittance du 11juillet2017, la société C L O a accepté de son assureur HDI le versem*nt d’une indemnité immédiate d’assurance de 1.127.553euros, déduction faite d’une franchise de 10.000euros, outre le règlement différé d’une indemnité de 148.296euros sur présentation des factures de remise en état des dommages, somme dont le versem*nt n’est pas contesté.


Il n’est pas contesté que la compagnie HDI doit encore indemniser la société RENAUL L O à hauteur de 26.300euros au titre du chariot élévateur endommagé, de sorte qu’au final, la compagnie HDI est redevable d’une indemnité d’un montant total de 1.153.953euros.
Enfin, il n’est pas contesté que la société C L O conservera, quant à elle, à sa charge un préjudice non indemnisé par la compagnie HDI, d’un montant de 158.296euros, du fait de la franchise applicable en application du contrat d’assurance.


Compte tenu du partage de responsabilité retenu par la cour, la société Z et son assureur doivent verser:


- à la société HDI , subrogée dans les droits de RRG la somme de 346.155,90euros, soit 30% de 1.153.853 (1.127.553 +26.300) à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au sinistre du 17juin2016 ;


- à la société RRG, la somme de 55.378,80 euros soit 30% de 184.596euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices non encore indemnisés.


Ces sommes seront assorties des intérêts de droit, non à compter du 'jugement à intervenir’ comme sollicité, mais à compter du présent arrêt.

b) la société Z


En produisant un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l’évaluation des dommages qu’elle a subis, signé le 15juin2017 (par le cabinet F G et le cabinet D), la société Z justifie d’un préjudice total à hauteur de 63.686,96euros, décomposé comme suit:


- 29.260euros correspondant à la perte des deux batteries LMP de ses véhicules ;


- 34.426,96euros au titre des mesures conservatoires prises à sa charge pour assurer la sécurisation du site de BUC.


Ce chiffrage n’est pas contesté. Compte tenu du partage de responsabilité retenu par la cour, la société RRG et son assureur doivent verser à la société Z la somme de 44.580,87euros (soit 70% de 63.686,96euros).

c) la compensation des sommes auxquelles sont condamnées les parties


La mise en oeuvre de la compensation, qui n’est pas d’ordre public, prévue aux articles 1347et suivant du code civil, dans leur version applicable depuis le 1er octobre 2016, n’étant sollicitée par aucune des parties, il n’y a pas lieu de la prononcer judiciairement.


Le jugement est infirmé sur ce point.

5) Sur les autres demandes


Compte tenu de l’issue du litige, chacune des parties succombant en partie en ses prétentions, il convient de faire masse de l’ensemble des dépens, de première instance et d’appel, comprenant les frais de l’expertise judiciaire, le tout étant in fine pris en charge par les parties à hauteur du partage de responsabilité retenue par la cour.


L’équité commande de ne pas faire application de l’article 700du code de procédure civile au bénéfice de l’une et l’autre des parties, qui seront déboutées de leurs demandes formées de ce chef.

PAR CES MOTIFS


LA COUR, statuant en dernier ressort, contradictoirement et par mise à disposition de la décision au greffe,


Confirme le jugement en ce qu’il a:


- rejeté la demande tendant à écarter le rapport d’expertise judiciaire versé aux débats par la société RRG et HDI GLOBAL SE ;


- jugé que le contrat cadre en cause est un contrat d’entreprise dont le dépôt n’est que l’accessoire ;


- retenu un partage de responsabilités entre les sociétés C L O et Z, à hauteur respectivement de 70% et de 30% ;


L’infirme pour le surplus des chefs déférés, et statuant de nouveau de ces chefs, et y ajoutant:


CONDAMNE solidairement les sociétés C L O et HDI GLOBAL SE à payer à la société Z la somme de 44.580,87euros euros au titre des préjudices résultant pour elle du sinistre du 17juin2016 ;


CONDAMNE solidairement les sociétés Z et AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE à payer:


- à la société HDI GLOBAL SE , subrogée dans les droits de la société C L O la somme de 346.155,90euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices consécutifs au sinistre du 17juin2016 ;


- à la société C L O la somme de 55.378,80 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices résultant du sinistre du 17juin2016, non encore indemnisés ;


Dit n’y avoir lieu à compensation de ces condamnations ;


Fait masse de l’ensemble des dépens, de première instance et d’appel, y compris des frais d’expertise judiciaire ;


Dit qu’ils seront supportés par les parties à hauteur du partage de responsabilité retenu par la cour, soit 30% pour la société la société Z et son assureur AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCE et 70% pour la société C L O et son assureur la société HDI GLOBAL SE ;


Dit qu’ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699du code de procédure civile pour les avocats pouvant y prétendre ;


Déboute les parties de leurs demandes formées au titre de l’article 700du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 8, 18 janvier 2022, n° 19/15580 | Doctrine (2024)

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